LES ONDES propose une relecture plastique de structures scientifiques habituellement perçues comme purement techniques. Photographiés de nuit, ces instruments de radioastronomie se détachent de leur environnement. Ils apparaissent comme suspendus, en apesanteur, révélant leur potentiel formel et sculptural évoquant immédiatement l’imaginaire spatial et la science-fiction.
Ce travail s’inscrit dans une réflexion plus large sur les relations entre visible et invisible, matérialité et abstraction. Ces dispositifs massifs, ancrés au sol, ont pourtant pour vocation de capter des signaux venus de l’espace, inaudibles et invisibles. Ce paradoxe entre leur présence concrète et leur fonction tournée vers l’immatériel interroge ce que la photographie peut faire apparaître d’un monde qui, en grande partie, échappe à notre perception directe. Ils incarnent ainsi une tension entre l’immédiateté de leur apparence physique et la distance (spatiale mais aussi temporelle) des signaux qu’ils reçoivent, parfois émis il y a des millions d’années.
Les recherches de cette série font dialoguer les données sensibles de l’image (forme, lumière, surface) avec ce qui ne se voit pas, mais demeure en creux. Ce rapport entre l’apparition et l’absence trouve un écho dans cette phrase de Maurice Merleau-Ponty : « Le sens est invisible, mais l’invisible n’est pas le contraire du visible : le visible lui-même a une armature invisible, et l’invisible est le revers secret du visible. Il n’apparaît qu’en lui, il est son foyer virtuel, il y est inscrit en filigrane. » 1
Le résultat ne cherche pas à illustrer la science ni à célébrer la technologie, mais à donner forme à une expérience de la perception. Ces structures agissent comme des médiateurs, elles créent un lien entre l’œil et ce qui lui échappe, entre le regard photographique et les limites mêmes du voir. À travers elles, l’envers du visible apparaît, et la présence matérielle d’un objet peut révéler ce qui reste hors champ, y compris cette mémoire venue d’un passé lointain reçue dans l’instant.
1. Maurice Merleau-Ponty, Le visible et l’Invisible, Gallimard, 1979
Série réalisée en collaboration avec l’Observatoire de radioastronomie de Nançay / 2024 / Photographie numérique (Nikon D850) / Dimensions variables











