Mon travail se développe en séries de photographies, autour de territoires façonnés par l’industrie, la technologie ou l’agriculture intensive. L’environnement paraît déserté, comme mis en veille, mais animé intrinsèquement par des logiques productives. Ainsi, le réel se trouble et les infrastructures deviennent les signes d’un monde en transformation. Les tensions qui traversent ces paysages deviennent perceptibles, entre puissance technique et fragilité écologique, entre progrès affiché et obsolescence en cours, entre contrôle et dérive. Mon approche, bien qu’ancrée dans une rigueur formelle proche de la photographie documentaire, s’autorise des écarts : éclairages, photomontages réalistes, jeux d’échelle qui théâtralisent le sujet et introduisent une temporalité instable et insaisissable. 
L’absence de figure humaine, systématique dans mes images, déplace le regard. Elle invite à contempler les lieux comme des témoins autonomes, où l’humain est présent par son empreinte, mais jamais directement visible. Cette absence latente accentue la sensation d’étrangeté à l’image du travail de Candida Höfer 1 dont les intérieurs vides, à l’ambiance aseptisée, deviennent les témoins implicites d’une organisation sociale ou culturelle. On pourrait encore penser à Nicolas Moulin et sa série Vider Paris. Ces espaces apparaissent alors comme des zones liminales, transitoires, suspendus entre deux états, deux temps, où les fonctions initiales se dissolvent au profit d’une atmosphère ambiguë.
Les lieux que je mets en scène (carrière, cimenterie, observatoire, zone de stockage...) évoquent un futur déjà dépassé, un monde où nous aurions laissé place à la seule persistance de nos structures industrielles, technologiques ou scientifiques. Cette impression d’un temps suspendu ou futur, alimente une forme de poésie froide et silencieuse qui traverse l’ensemble de mon travail. Cela fait aussi bien écho à Robert Smithson et l’entropie, qu’aux paysages de Naoya Hatakeyama 2 dont les photographies interrogent les conséquences à grande échelle de l’activité humaine sur la planète.
Influencé par l’imaginaire de science-fiction, je cible des territoires qui laissent apparaître les mutations et les changements de nos milieux naturels. Tout en interrogeant notre relation aux constructions et à l’expansion, j’explore ce que l’image peut révéler lorsqu’elle laisse entrevoir la complexité de notre époque. 

1. Elle privilégie l‘architecture institutionnelle et culturelle, sans visiteurs, comme c’est le cas dans sa série Räume (Spaces) commencée en 1980. L’absence de public permet de se concentrer sur les détails des bâtiments, les spécificités de l’espace.
2. Notamment sa série Lime Works (1996-2007).